La voie des Ombres (3)

[Prépare tes mouchoirs ^^ Mais ce sera pour des larmes de joie si ça peut te rassurer]]

[* vien de comprendre le scénario de Kael* Je crois que je vais prendre tout l'arsenal... je te connais trop bien sur ce coup]

Sa mère, de nouveau, était la proiede Nézérath... mais cette fois, d'une façon telle qu'il était impossible, ou presque, à Eryndel d'intervenir.
"Mère, cria-t-elle. Mère ! Bats-toi contre lui, ne te laisse pas berner par les souvenirs qu'il peut t'insuffler !"

Mais les yeux sans pupilles ne manifestèrent nulle lueur de compréhension. Tournée vers le combat qui faisait rage en elle, tout entière concentrée sur ses défenses mentales, sa mère ne l'entendait pas plus qu'Eryndel ne l'avait entendu crier peu auparavant. Des larmes s'échappèrent des prunelles sans expression, si bien que la Marchombre vit ses inquiétudes se confirmer : le Nécrark recourait aux mêmes ruses que précédemment. Seulement, sa mère lui parut lutter plus faiblement. Avec horreur, la jeune faëlle vit la peau de sa mère pâlir, blanchir, tandis qu'un masque de triomphe mêlé de cruauté remplaçait son expression douce. Ses yeux se ranimèrent. Elle regarda ses mains fines comme si elle les voyait pour la première fois, poussa un cri de détresse, dernier sursaut de résistance avant la reddition.
"Non ! cria Eryndel. Je ne veux pas te perdre encore une fois !
Un rire froid et cruel lui répondit.
- Il ne fallait pas me défier, misérable petite marchombre. Tu m'as volé Kael, je vole ta mère à la place. Nous sommes quittes.
- Non.

Le désemparement, chez la faëlle aux yeux d'émeraude, faisait place à une détermination farouche.

- Non, nous ne sommes pas quittes.

Elle baissa la tête, laissant ses cheveux de feu cascader sur ses épaules et dissimuler son visage.

- Tu as pris aussi la vie de Cuian, et tu as privé Kael de la vie heureuse qu'elle aurait pu mener si elle avait rencontré le dessinateur sans que tu ne l'aies possédée. Tu as semé la panique et la zizanie partout où tu allais, avant même que je ne te rencontre. Enfin, je t'ai épargné quand j'ai ramassé par hasard un objet me permettant de te contrôler, alors que j'aurais pu en profiter pour te détruire sans que tu pusses rien y faire.

Relevant la tête, Eryndel planta un regard acéré dans les yeux froids de sa mère... Non, de Nézérath.

- Mais je ne ferai pas l'erreur de te laisser vivre une deuxième fois, nécrark ! que tu te caches sous l'apparence de ma mère n'y changera rien.
- Allons donc, tu n'aurais pas le courage de la blesser, ricana son interlocuteur.

Un sourire narquois se dessina sur les traits crispé de la Faëlle.

- On parie ?"

Nezerath n'avait que faire du corps qu'il possédait et la perspective de faire tuer la mère par la fille était alléchante. Machinalement, il porta ses mains à sa ceinture... Il n'y avait plus ses fidèles dagues serpentines.
- Kael...
Le lien symbiotique entre lui et son hôte était encore trop faible pour qu'il puisse emmener sa nouvelle enveloppe corporelle au cœur des Spires de ténèbres. La mère se jeta à la gorge de son enfant, les traits démentiels d'une Kael déchainée dessinés sur son visage pourtant si familier. La marchombre pivota sur elle même, laissant celle qui n'était plus sa maman, enlacer le vide. Se trouvant dans son dos elle acheva son esquive par un coup de pommeau entre les omoplates. Nezerath tituba maladroitement tentant vainement de se rattraper, mais il trébucha et s'étala de tout son long sur le sol sableux.
- Ce corps est vieux et empoté...
La Nécrark faëlle, bondit sur ses jambes, saisit son adversaire par le col et lui expédia un violent coup de poing au visage avant d'être aussitôt soulevé de terre par un coup de genou au ventre. Nezerath chuta une fois de plus, atterrissant sur le dos, sans ménagement.
- Jusqu'où iras-tu ?! Tu vas vraiment tuer la tuer ?! C'est ça que tu veux ?!
Il poussa une fois de plus son hôte dans une charge folle, cueilli pour la troisième fois, par un simple croche pied doublé d'une bousculade qui le plaqua au sol. Le choc souleva un nage de poussière autour de lui. Eryndel retourna la Nécrark dans les vapes, la main gauche empoigna son col, la droite tenait fermement un poignard acéré.
- Ma mère préférerait mourir, plutôt que de passer l'éternité son ton contrôle !
Elle plongea sa dague droit vers la gorge de la possédée.
- NON ! Eryndel ma chérie c'est moi !
La pointe fut stoppée à quelques millimètres à peine de la trachée.
- Ma... Maman ? C'est bien toi ?
Même si son teint était toujours aussi livide et ses yeux aveugles, sa voix n'était plus celle d'un meurtrier assoiffé de sang.
- Oui... Le lien s'est rompu, sans doute à cause à du combat. Elle éclata en sanglot. Pardonne moi, je voyais tout et je ne parvenais pas à m'y opposer. Il me fait voir des choses horribles et tristes, et il me chuchote des promesses de pouvoirs terribles en puisant dans mes souvenirs désagréables. J'ai peur, j'ai peur de d'y succomber.
- Il faut faire vite, lève toi nous devons trouver un moyen de te guérir.
Eryndel savait qu'elle ne pouvait plus revenir chez les siens, la pierre qu'elle avait utilisé pour ramener l'âme de Cuian avait perdu sa magie à cet occasion et elle doutait que l'artefact soit assez puissant contre un esprit tel que Nezerath.
- Nous allons prendre un bateau pour rejoindre le continent... Nous devons t'emmener à l'Oeil d'Otolep, seul lui pourra combattre Nezerath.
- Oui, dépêchons nous, je le sens encore, il est faible mais il est là.
Eryndel se tourna vers la ville, sa mère la suivait un sourire machiavélique sur les lèvres.

[bien joué... j'enchaîne directement là-bas ou j'écris encore un post ici ? ?]

[Je crois qu'il faudrait un dernier post ici pour le trajet en bateau parce que j'aimerais bien y faire quelque chose à bord s'il te plaît]

Le port... Sur ses quais de bois soutenus par des pilliers de pierres, une foule pittoresque de marins, de matelots, de portefaix, de pêcheurs se bousculait en un tourbillon irrésistible d'activité fébrile, de cris, d'injures et de rires sentant l'alcool.
Les eaux marines, qui frappaient les digues avec entêtement, semblait vouloir briser la maçonnerie pour submerger la foule et faire taire à jamais les importuns. Les gréements des navires de pêche et des bâtiments de guerre alines grinçaient dans le vent salé qui venait du large, et les oiseaux marins criaient à qui mieux mieux en tournoyant autour du port.
Une tempête se préparait sans doute. Eryndel, en souriant, aspira à pleins poumons l'air venteux. Par un tel temps, elle se sentait plus libre, et tout lui paraissait possible. Oui. Elle libérerait sa mère de l'influence du Nécrark.

Les Alines et les humains alaviriens ne faisaient pas bon ménage, mais les Faëls n'étaient les alliés de personne, et suivaient leur propre chemin. Aussi, quand la mère et la fille abordèrent un capitaine aline aux airs de loup de mer pour monnayer leur voyage vers le continent, il ne leur causa pas trop de difficultés. Il se demandait bien comment elles avaient pu atterrir dans l'archipel, et le regard railleur de la jeune, le sourire dérangeant de l'autre avait de quoi faire hésiter, mais la dernière excursion de piraterie menée sur les côtes de Gwendalavir avait été ruineuse, désastreuse, et les deux rouquines payaient bien.
C'est ainsi que son navire appareilla avec les deux femmes à son bord.

Le trajet durerait toute la soirée et les côtes de Gwendalavir n'apparaîtront qu'au petit matin. Les faëlles gagnèrent leur appartement, un compartiment des cales avaient été débarassées pour n'y laisser que deux matelas à même le sol et une table basse bouffées par les vers.
- V'là vot'chamb'ma'm'zelles, avait articulé, entre ses chicots jaunes et noirs, le vieux matelos à peine sorti de sa gueule de bois matinale. Il traîna sa carcasse boitillante jusqu'au pont en gratifiant le plancher de crachats verdâtres.
Loin de s'apitoyer sur les conditions peu confortables et pas très hygiéniques de leur traversée, Eryndel aida sa mère épuisée à s'asseoir sur l'une des couchette. Sa peau lunaire et sa chevelure ivoirine ne laissait plus de place à cette femme qu'elle avait connu durant son enfance, à ses yeux il n'y avait que Kael devant elle. Pourtant, un espoir infime l'empêchait de l'abandonner. Elle avait très peu de chance de ne pouvoir ne serait-ce qu'approcher le lac de l'Oeil d'Otolep et encore moins d'y baigner sa mère. Mais il y a longtemps, elle avait abandonner son village, son entourage et elle lui devait bien ça, elle se devait d'essayer de la sauver.
- Si... Si jamais nous ne parvenions pas à atteindre l'Oeil, je... Je veux que...
La marchombre interrompit les mots qu'elle n'avait pas besoin d'entendre. Elle s'y préparée sachant parfaitement que le cas échéant elle ne s'en remettrait pas.
- Ça n'arrivera pas, tu m'entends ? On trouvera un moyen. En attendant tu dois reprendre des forces.
Elle sortit de sa sacoche deux pains aux herbes qu'elle découpa pour y glisser une tranche de coureur achetée au marché du port.
La Nécrark contempla le sandwich d'un regard las, elle n'avait pas faim... Pas faim de cette nourriture là en tout cas. Néanmoins elle mordit dedans, mâcha et tenta de l'avaler en vain. Elle recracha aussitôt sa ration.
- Excuse moi... C'est immangeable, je n'y arrive pas. Elle éclata en sanglot. Je suis fatiguée.
- Repose toi, je te réveillerai si je vois que tu fais un cauchemar.
La faëlle au teint pâle s'allongea, sa fille étendit les couvertures sur son corps tremblotant du froid surnaturel des Nécrarks.

Eryndel était aidée par la musique et les chants peu convenables des marins qui frappaient le sol de leur pieds ou de leur jambe de bois selon le vécu, bien décidée à ne pas fermer l'œil de la nuit au cas où Nezerath reprenait le contrôle. Pourtant la faëlle tourmentée semblait dormir d'un sommeil profond. Après quatre heures de festivité consommées avec la passion qui caractérise les marins, le retour de bâton de l'ivresse finit par achever les joyeux fêtards qui se laissèrent bercer par le silence et le remoud des vagues. Seule éveillée à bord, elle sentait doucement ses paupières s'alourdir et sa tête balançait au gré du va et vient aquatique d'une nuit calme. Elle songea à sortir pour prendre un bol d'air frais revigorant, puis abandonna l'idée de crainte que l'assassin légendaire ne profite de l'occasion. Elle resta, résista et fut terrassée par l'irrépressible sommeil. Sa tête glissa lentement sur le côté et se coucha involontairement. Deux yeux dénués de pupille autant que de scrupule s'allumèrent d'une lueur cruelle.
* Enfin ! Tu en as mis du temps... Et ce pain dégueulasse. *
De tout son savoir faire centenaire elle s'approcha sans émettre le moindre bruit, retira millimètre par millimètre l'une des deux dagues accrochées à la ceinture de la marchombre, la soupesa. Elle était équilibrée, aiguisée, exquise, dressée au-dessus de sa tête et...

Therd avait décidémen trop bu : il y avait deux fois plus d'étoiles dans le ciel que d'habitude. Le vieux marin décida de rejoindre son hamac dans la cale, et se mit en marche en tanguant. Il grommela : la mer avait l'air calme, et pourtant... "Crénom ! jura-t-il d'une voix pâteuse. L'raffiot est s'coué comme une coqu' de noix, c'soir !"
Un renvoi sonore lui échappa, et il se mit à rire tout seul, à rire comme seul les ivrognes rient. Du coup, il ne vit pas la trappe ouverte à ses pieds. Une avalanche de "Aïe !" de "Ouïe !" et de jurons colorés ponctua la chute de Therd, accompagnée de chocs sonores sur les marches de bois qui menaient sous le pont.
Tête rentrée dans les épaules, il roula-boula et heurta quelque chose, ou plutôt... quelqu'un. Il se releva péniblement, et se trouva nez à nez avec une des deux passagères. La plus âgée. Et elle paraissait sacrément en colère, nom d'une bal... d'une dame !



Eryndel était plongée dans un sommeil paisible, rêvant de vent et de brume, quand des cris de douleurs et le vacarme d'une lourde chute vinrent troubler les murmures de la brise onirique qui la portait. Elle ouvrit les yeux tout en portant la main à son arme, d'un geste vif.
"C'est quoi, ce boucan ? demanda-t-elle en plissant les yeux, d'une voix aussi acérée que si elle ne venait pas d'émerger d'un profond sommeil.
- Un imbécile qui ne sais pas descendre un escalier sur se deux jambes, riposta sa mère, l'air furieux.
- D'solé...hic ! pardon, mais l'bateau était s'coué, et... burp ! raté une marche.
- Vous voulez dire plutôt que vous avez trop bu, matelot, rétorqua Eryndel, l'air narquois. Déguerpissez !"

En silence, elle regarda l' homme s'éloigner vers les quartiers des marins en titubant et en se tenant les reins. Songeuse, elle jeta un regard soucieux à sa mère. La fureur de celle-ci paraissait démesurée au vu de l'inciident. A vrai dire, elle paraissait... frustrée. Il faudrait la surveiller de près. Non. Elle se rendraitcompte de quelque chose.
La marchombre choisit plutôt de s'étirer avec insouciance.
"Je vais sur le pont, déclara-t-elle en souriant. Je doute de pouvoir me rendormir après cet incident risible."


Plutôt rester éveillée que de courir le moindre danger.

Allongé sur sa couchette de misère, Nezerath enrageait de ne pas avoir pu mener à terme son geste, simplement à cause d'un ivrogne. Il avait lâché la dague lorsque ce marin l'avait bousculé, par chance Eryndel n'avait pas trouvé la présence de l'arme sortie de son fourreau louche, mettant ça sur le compte de son assoupissement. Une fois de plus sa tentative avait échoué et il devrait faire vite s'il ne voulait pas se retrouver sur la rive de l'Oeil d'Otolep. Il n'y croyait pas vraiment, le Lac laissait tellement peu de personne l'approcher... Mais il était inutile de tenter sa chance stupidement, mieux valait mettre un terme à cette quête au plus tôt.

La mère rejoignit sa fille, Nezerath singeait une fatigue profonde malgré les heures de sommeil. Un soleil flamboyant émergea des côtes de Gwendalavir qui vallonnaient l'horizon monotone du paysage aquatique. Le capitaine, un homme d'une cinquantaine d'année, clopinait maladroitement sur sa jambe de bois qui, disait-il, lui avait été arrachée par un monstre, issu des profondeur des océans, vaincu au fil de son sabre aujourd'hui rouillé et émoussé.
- On arrive mesdames, la traversée s'achève ici. Un de mes homme va vous faire accoster en vous emmenant dans une barque. Nos navires ne sont pas appréciés par ici, les côtes de la jungle d'Hulm ne sont pas trop surveillées par l'empire, vous ne serez qu'à une journée de marche de l'Oeil.
- Merci capitaine, nous sommes prêtes à partir.
- Therd ! Il est où ce chien galeux édenté ?! Therd !
- Ouais cap'tain ! Attendez je...
Le vacarme d'une chute dans les escaliers menant à la cale inquiéta les deux faëlles.
- Merde, c'est qui c'est qui a mis une marche en plus dans l'escalier ?
Le soulard de la nuit précédente tituba en jaillissant des entrailles du navire. Manquant de peu de s'étaler lamentablement sur le pont, il se rattrapa de justesse non sans percuter violemment une caisse en bois. Puis il se tint droit comme un piquet planté de travers devant son chef.
- A vos n'ordres cap'atin !
Therd sortait à peine de sa beuverie d'hier soir, l'oeil gauche se disputait avec l'oeil droit et des remontées gastriques gutturales agrémentaient cette caricature de vieux loup de mer.
- Therd tu vas... Therd ! Écoute moi deux secondes ! Tu prend la barque et...
- Ah non j'rend po l'arc, c'est pas mwa qui l'ai voler !
- La barque, triple buse ! Et tu vas la-bas sur la plage !
- Quelle page ?! Ch'ais pas lire chef...
Les deux faëlles se dévisagèrent un léger sourire amusé se dessinant sur leurs lèvres.

- La barque, bon sang de bois d'ivrogne d'eau douce ! rugit le capitaine
- L' abaque ? chaipas où il est moi, cap'... Poourquoi vous m'medandez... demdandez... demandez ça ? Hé, ça nva pas la tête ?

Eryndel venait de lui verser un seau d'eau sur la tête et l'homme, dégoulinant, pestait, furieux. Le plat d'une dague glacée sous la gorge achevade le dessaouler.

- Fais encore une fois le malin, et je débarrasse tes veines de tout l'alcool qu'il charrie, si tu vois ce que je veux dire... susurra Eryndel.

- Heu, oui, la barque, bien sûr... bredouilla Therd. Oui, j'peux m'en occuper, cap'taine.

Eryndel rangea son arme et se tourna en souriant vers le loup de mer.
- Et voilà, capitaine. Je pense que votre matelot est parfaitement lucide à présent.
- Vous ne lui auriez pas tranché la gorge, tout de même ?
- Non, bien sûr que non, répondit joyeusement la Marchombre. Seulement, il n'y a pas remède plus efficace contre l'alcool que lapeur de perdre la vie."

Bientôt, Therd et les deux faëlles s'éloignaient du navire à toute vitesse, en direction du rivage. Eryndel souriait : bientôt, elle serait débarrassée définitivement de Nezerath.