Tristesse.
Le noir ambiant était agréable. Seules quelques raies de lumières filtraient au travers des barreaux. La lumière extérieure, trop vive, empêchait Sehrz de voir ce qu’il s’y passait. Des grognements derrière lui indiquaient qu’il n’était pas seul à se battre aujourd’hui. Après lui viendraient des hommes, mais aussi des animaux ; Tigres des plaines, Coureurs de combats, ours élastiques… Le trésor de la faune Alavariennes respirait en ces murs, attendant ses heures de gloire. Et pour les soldats les plus valeureux, qui viendraient à bout de ces animaux qui gouteraient volontiers à la chair humaine, un avenir plus sombre encore s’offrait à eux ; Géants du Septentrion, Brûleurs, Goules, Grouillards... Tant de créatures réunis dans un même endroit, que tout homme censé cherche, sur la durée d’une vie entière, à éviter.
Mais pour l’heure, chacune de ces bêtes féroces et immondes dormait au fond de leur cage. Pour l’heure, le combat serait celui de deux hommes. Une confrontation sans règles ni limite, ou les seules issues possibles étaient l’abandon ou la mort. Chaos et Harmonie.
Malheurs.
Thowind Kil’Muirt. Sentinelle en devenir, son nom était parvenu jusqu’à la forêt Ombreuse. Murmures d’ivrognes au fond d’une taverne, Sehrz avait toutefois entendu assez d’informations pour savoir que l’enfant qu’il allait affronter n’en était plus un. Elève d’un Frontalier exceptionnel, dessinateur hors pair, autant de qualités qui rendraient le combat à venir intéressant. Pourtant…
Pourtant, il était confiant. Aussi talentueux qu’était Thowind, il n’avait que dix-huit ans. Trop peu d’hivers avaient étendus leurs manteaux pour qu’il puisse prétendre être un homme. Trop peu de sang avait coulé pour qu’il ait perdu son innocence.
Le Dessin d’un Alavarien cherchait à neutraliser, assommer, blesser.
Le Dessin de Mercenaire n’était que douleurs et souffrance.
Le Dessin d’un Mentaï, lui, n’était que mort et destruction.
Déchirure.
Les grilles disposées de chaque côté de l’arène s’ouvrirent dans un chuintement discret. Lorsque les deux combattants s’engagèrent sur le terrain ensablé, les vivats de la foule redoublèrent. Des hommes, des femmes, quelques enfants s’agglutinaient sur les gradins tout autour de l’arène, venus par milliers dans le but unique de voir couler le sang et les larmes. Quelques hystériques, venus ici en tant que marginaux, scandaient son nom, insistant de ce fait sur sa situation ; bien qu’il fût libre, et qu’aucune résistance ne serait faite à son départ, il représentait l’ennemi numéro un de tout Alavarien.
Thowind. Thowind. Thowind.
L’ovation prenait de plus en plus d’ampleur, écrasant par sa force les quelques malheureux qui tentaient vainement de lui montrer une marque de respect.
Le cœur du Mentaï se calqua sur l’acclamation. Il ferma ses yeux, oubliant jusqu’à l’homme en face de lui qui désirait le voir mourir.
Tant d’hommes et de femmes, autant de paires d’yeux avides d’affrontement. Et pourtant. Un seul souffle, une seule envie.
Mort. Destruction.
Mentaï.
Chaos.
Une brèche s’ouvrit dans un mur de cheveux noirs, et un regard sombre se posa sur le jeune garçon, à l’autre bout de l’arène.
Il était beau. Encore si jeune. Il respirait la vie, alors que de lui n’émanait que mort et odeur de sang.
Sehrz le savait maintenant ; le combat allait être grandiose.
Sans une once d’hésitation, Thowind dégaina son épée, faisant ainsi éclater la ferveur de la foule.
Tant de détermination dans un regard si jeune, encore à l’aube de sa vie.
Sehrz soupira. Il était mauvais de faire attendre un public trop longtemps.
Les deux ennemis se jetèrent l’un sur l’autre, échangeant quelques coups sans grande conviction. C’était l’évaluation. Chacun testait les capacités de l’autre, évaluant sa rapidité, son ingéniosité, et sa maîtrise des armes. Thowind frappait de l’épée, Sehrz esquivait et rendait les coups du plat de la main.
Chaos. Harmonie.
Vie. Mort.
Espoir. Destruction.
Mentaï.
Le combat avait commencé.



[ HRP : Je me permet un petit HRP, pour un grand merci à Thowind. Longtemps que j'avais pas lu un RP aussi beau, et écrit quelque chose qui me plaisait vraiment =). Merci =) ]

[Merci à toi, Sehrz, je te renvoie le compliment, jamais je n’avais lu un rp dans une structure aussi originale et bien trouvée ]

L’évaluation. Cette première partie de combat que Thowind connaissait bien, cette base indispensable qui offrait tant d’informations en quelques coups de lame. Le tout était de ne pas frapper trop fort, ni trop faiblement ; pour ne pas se faire surprendre, mais simplement pour jauger l’adversaire, ses techniques de base, ses spécialités, ses avantages et ses faiblesses. Il l’avait souvent travaillée, seul ou avec ses mentors ; car malgré le statut presque légendaire de Barahir Til’ Illien dans le monde du combat à l’épée, il n’a pas toujours été son seul professeur, Thowind était aussi très autodidacte et certains de ses compagnons, au cours de ses multiples quêtes entre autres, avaient souvent endossé un rôle de maître formateur.
Lors de l’évaluation, pas question de découvrir les failles, mais tenter de dévoiler celles de l’ennemi. La première constatation de Thowind (partagée avec la bruyante foule de l’Arène à laquelle rien n’échappait) fut l’inutilisation d’arme de Til’ Kehel pour débuter les premiers coups de ce duel. Au départ, il avait cru à un assaut feinté direct et s’était même attendu à ce que le Mentaï fasse apparaître une ou deux lames à l’aide de son Dessin pour surprendre l’apprentie Sentinelle ; ce ne fut pas le cas, Til’ Kehel avait mis en avant ses paumes pour la frappe et usait d’une redoutable souplesse et d’une rapidité considérable pour esquiver tous les coups de Thowind. Remarque numéro une : Til’ Kehel était confiant, agile, puissant à main nue et très prompt.

Malgré tous les efforts de Thowind pour tenter de déstabiliser le Mentaï lors des échanges évaluateurs, Til’ Kehel conservait cette exaspérante vitesse, sans trop s’essouffler, en continuant de toucher certains nerfs du jeune épéiste. Cependant, ce dernier n’était pas lent lui non plus, et jamais encore son adversaire n’avait réussi à lui faire sentir un véritable dérangement douloureux dans ses frappes de paume ; Thowind arrivait quelquefois à limiter la puissance des coups en exécutant des ébauches d’esquive assez simples, comme une ou deux glissades de corps vers l’arrière ou le côté et quelques rapides baissées dans de prompts fléchissements de genoux. Rien de très efficace, le jeune bretteur ne se spécialisait pas dans l’esquive : Til’ Kehel parvenait toujours à le frôler, le toucher ou le frapper. Remarque numéro deux : Til’ Kehel était fort, direct et presque indifférent devant les feintes.

Les attaques au sabre de Thowind se limitaient à de très simples envois vers l’avant, ces piquées sournoises mais pas très engagées, de coups d’estoc relativement courts, ces frappes latérales rapides mais pas très puissantes, et de remontées tranchantes directes, ces tentatives feintées mais pas très essentielles à la victoire. Ce type d’assaut simpliste n’avait comme simple but de ne pas fatiguer l’envoyeur et de tester l’ennemi pendant l’évaluation. Rien de vraiment dangereux donc, Til’ Kehel, désarmé, ne fut apparemment pas dérangé mais au moins Thowind avait réussi la première partie du duel : il avait approximativement évalué son adversaire en un temps réduit sans trop dévoiler de ses propres facettes personnelles. Les vrais coups pouvaient désormais se lancer, Thowind en savait assez.

Juste après avoir imposé à son adversaire un petit saut en hauteur dans une tentative de coupe-jambe empressée, Thowind fit un puis deux bonds en arrière. Sa tactique en tête, il plongea dans précipitamment dans l’Imagination, fit apparaître très rapidement une imposante cage d’acier aux barreaux taillés en pointe. La création cubique ne risquait pas de déstabiliser totalement le Mentaï, la chute de la prison improvisée, aussi directe soit-elle, était évitable et l’exécution d’un Dessin était quasiment devinable. Ce n’était pas le but de la création, car tout autour du point de chute de la cage (soulevant une énorme vague de fumée) furent disséminés quelques bonnes trentaines de picots empoisonnés. Ici, Thowind ne souhaitait plus coter le niveau de son ennemi, mais bel et bien commencer par le déstabiliser. Si les picots surprendraient Til’ Kehel, il pourra commencer à lui porter ses premiers coups mortels.